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4 | L’esprit phallique de la forêt
Le récit de Julien
J'ai emprisonné Cyrille dans mes bras et je l’ai regardé jouir comme une délivrance, secoué de soubresauts, visage crispé puis, tout aussitôt, détendu, bouche ouverte. Son ventre se gonfle et se vide d’un coup comme un ballon de baudruche.
Il est soudain devenu souple entre mes mains qui le cajolent timidement et, quand il rouvre les yeux, il emporte à tout coup le premier prix de l’innocent qui a poussé une porte par hasard et découvert ce qu’il n’aurait pas dû voir … De grands yeux au blanc pur de porcelaine.
D’ailleurs, il n’en revient pas lui-même et se blottit, câlin, dans la sécurité de mon étreinte protectrice. Un ange, lointain, éthéré.
Je l’entraîne pour une toilette de chat, pour effacer les éclaboussures qui figent la peau, rafraîchir nos visages …
J’ai soif ! Et nous retrouvons les verres de boisson qui pétille. Il se frotte à moi à tout propos, reste au contact, laisse traîner sa main, le fin bout de ses doigts … Il avance le visage pour me sentir, narines dilatées, sourit aux anges, rêveur, puis tourne autour de moi et s’appuie de son front dans mon dos. Je pivote vivement, il est dans mes bras, embarrassé, hésitant.
Alors, la nuque fléchie et tendant les lèvres, je viens délicatement embrasser les siennes.
Quand je me redresse, il incline sa tête vers le bas et ses yeux vers le haut qui reviennent dans les miens. Sa main s’est élancée mais son mouvement s’interrompt et ses doigts pianotent sur le renflement de ma clavicule. Je reconnais cette hésitation de jeune homme débutant, l’œil brillant de joie et gonflé d’envie, qui s’interroge, incertain de son élan, effrayé par l’immensité de son appétit, inquiet de l’accueil que je pourrais leur réserver,.
Il pouffe, secoue sa tête. Puis il détend son cou et vient m’embrasser rapidement, recule, hésite et, comme je ne proteste pas, revient, darde la langue comme une lame ductile, agile et humide. Elle se fraie un passage. Sans difficulté car, bien évidemment, je ne lui oppose absolument aucune résistance, tout au contraire. Elle se coule alors agilement contre la mienne, vive et entraînante comme une ritournelle que nous entonnons à deux.
Et il s’écrase contre moi qui écarte mes bras en croix.
Il est chaud, il est doux, son corps est plein et délié. Il s’amuse et murmure en se serrant encore, il m’escalade de ses bras, de ses jambes comme des pousses de lierre, ses mains cherchent à tâtons des prises à quoi il s’agrippe, se retient, se hausse. Énergiquement.
Il a pivoté sur lui-même, sans cesser de m’embrasser et, le dos ainsi vrillé, il frétille des fesses contre mon bas-ventre, cherchant à encadrer exactement ma bite dressée entre ses deux rondeurs, le rein cambré, tendu. Il suffoque d’un coup, cherchant l’air dans une grande goulée, chancelant soudain.
Mes bras s’empressent de le soutenir.
Son soupir sonne comme un aveu, une reddition, une supplique qu’il ne parvenait à formuler.
En deux pas, nous avons rejoint la chambre et mes épaules écrasent les siennes pour les enfoncer dans le matelas. Il a tourné la tête sur le coté et je contemple son profil aux yeux clos. Quand je soulève mon bassin, il glisse ses deux mains entre nous pour me guider et lorsque je me rallonge sur lui, il m’accueille si facilement et si somptueusement en lui qu’il me semble être doté d’un organe capable de trouver seul son chemin, digne du fabuleux « esprit phallique de la forêt ».
Et je voudrais avoir une bite démesurée pour m’enfoncer sans fin en lui, les yeux fermés, que ce glissement dure indéfiniment tant il est délicieusement voluptueux.
J’ai progressivement relevé mes épaules en tendant mes bras et lui, en opposition, a cambré son rein, remontant sa croupe. Nous sommes encastrés aussi profondément que possible et je vois un sourire relever ses commissures, son œil s’entrouvrir un instant sur un vif éclat pour tout aussitôt se refermer avec précipitation, comme s’il voulait s’isoler dans cette béatitude qui inonde son visage.
Nous restons ainsi quelques minutes, apparemment immobiles, moi lui imprimant d’infinitésimales oscillations auxquelles il répond par de tout aussi microscopiques frémissements qui tendent chacun de nos nerfs comme des cordes à piano, nous maintenant dans un miraculeux équilibre sur la crête d’un plaisir que nous tenons en respect par de profondes ventilations. J’égratigne sa peau de mes ongles et la vois se hérisser de frissons.
Je m’allonge alors sur lui et nous fais basculer sur le côté. Je l’ai fermement retenu par la hanche et lui a soulevé sa cuisse à l’équerre pour garder notre encastrement, ce contact sur lequel il veille scrupuleusement tant il lui paraît soudain vital, son souffle s’affolant dés qu’il perçoit un retrait, même le plus infime, lui préférant cette houle discrète qui le porte.
Ma main vient englober sa taille et remonte sur son torse, faisant saillir son pectoral ; mes doigts en tenaille s’emparent de son mamelon et il sursaute sous la vivacité de l’injure. Mais ils se sont aussitôt envolés pour effleurer sa peau où ils débusquent le tendre, le soyeux, le sensible, le vulnérable qu’il cajolent ou égratignent, c’est selon. Et, à nouveau, ils l’électrisent et ses muscles se détendent ou se replient en saccades, tétanisés, quand il avale précipitamment sa salive dans un borborygme mouillé qui s’étrangle.
Et j’aime à l’accompagner à voix basse, ce jeune homme qui s’adonne librement au plaisir, sans remords, du moins je l’espère, lui serinant à l’oreille une antienne monocorde. Pas de longs discours, plutôt le bercement d’une voix chaude qui lui souffle des encouragements, des « là, là » ou des sourdines « attends » ou des invitations « reviens » ; une oralisation qui nous rappelle l’un à l’autre quand le silence enferme chacun en soi-même.
Car le plaisir n’en est un que s’il est partagé.
Et de lui, je me satisfais de ses soupirs, de ses « oui » ou de ses « Julien ... » suspendus, qui nous rendent bien réels l’un à l’autre, qui m’indiquent qu’il s’abandonne à la volupté, qu’il m’invite à le rejoindre dans son vertige. Alors j’accède à son souhait, lui administrant quelques amples coulissements que j’avais réservés. Il a soupiré et s’est immédiatement ajusté plus précisément.
- « Viens, maintenant, Julien ! »
Son soubresaut soudain m’a pressé en lui et, entre les répliques, je me suis vigoureusement planté au plus profond pour, enfin, me répandre en lui à en perdre le souffle.
J’ai voulu me rabattre sur le dos mais il m’a prestement rattrapé d’une main tyrannique.
- « Non, reste ! S’il te plaît ! »
Comment résister ? C’est bien volontiers que j’accède à son injonction de blottir contre moi son dos qui s’enroule, mon bras qui l’enveloppe veut marquer toute la tendresse qu’il m’inspire à se dévoiler spontanément ainsi vulnérable dans la recherche du plaisir.
Le bout de mes doigts vient tremper sans sa sève qu’il a répandue sur mes draps et il attrape ma main pour les porter à sa bouche et les suçoter, frétillant pour se nicher plus étroitement encore. J’aime qu’il manifeste son goût pour la vie dans la rudesse de son intégrité avec ses humeurs, ses odeurs, ses toisons, ses transports violents … la réalité d’un Éros animal au corps respirant, transpirant, mortel et donc vivant.
Un puits noir s’est soudain ouvert sous mes pieds. J’ai dû m’endormir aussitôt.
Amical72
amical072@gmail.com
* Chez le mâle du tapir de Malaisie, le pénis semble se mouvoir d’une façon autonome et avec une extrême agilité pour trouver le chemin des organes génitaux de la femelle, un atout majeur pour assurer le succès de la reproduction. En outre, le mâle d’une taille moyenne de un mètre cinquante est muni d’un appendice de quatre-vingt-dix centimètres, au gland en forme de champignon. Les proportions et la mobilité remarquables de l’organe ont stimulé un imaginaire fertile et, dans le folklore, l’animal est assimilé à « l’esprit phallique de la forêt » In « Sexus animalus » d’Emmanuelle Pouydebat, éditions Arthaud (page 51).
Coluche, comédien et humoriste de l’irrespect, disparu en 1986, disait : « Non, non, paraît que ça sert à rien les grosses bites. D'ailleurs je vous ferai remarquer que c'est pas ceux qui ont les plus grandes oreilles qui entendent le mieux, hein ! » et il confessait d’ailleurs en avoir lui-même « une petite ». Extraits de Si j'ai bien tout lu Freud
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